Avant de convaincre les autres, il faut se convaincre soi-même...
Cela faisait longtemps que ce projet trottait dans ma tête. Mais bon quand ton plus long tour en vélo fait 200km, le saut pour arriver à 300 fait un peu peur. Et la traversée de la Belgique c'est 340 et les 40 en plus, c'est loin d'être un détail. En juillet, SebiCicletta a organisé l'épreuve Little Belgium et je m'y suis inscrit avec quelques membres du Brussels Cycling Team sur un coup de tête sans savoir si j'allais arriver au bout. Ce n'était pas facile mais j'ai bouclé le tour à du 28km/h avec de solides rouleurs, pour n'en citer qu'un le très chouette compagnon de route Stéphane Louvet. Après être arrivé au bout, je me suis dit que je m'étais longtemps mis une barrière psychologique sur mes capacités et que ce Little Belgium était la preuve qu'avec une bonne alimentation et hydratation sur le circuit, 300km était tout à fait possible pour moi. Ça y est, c'est décidé ... je ferai la traversée en diagonale de la Belgique cette année !
Une bonne planification
340km ça ne s'improvise pas sans connaître la route. Heureusement, il est très simple aujourd'hui de faire un bon fichier gpx pour l'envoyer sur son gps. Le départ se fera de Musson car c'est à l'extrême sud du pays et que pour le côté pratique j'ai des amis qui y habitent. Je suis originaire de Beauraing où mes parents habitent toujours et c'est là que je ferai un stop ravitaillement après 100 km. La colocation dans laquelle je vie se trouve à Bruxelles à 215km du départ et est donc aussi parfait pour un 2ème stop. 8 Ravitos dans mes poches, dont une pour mes hôtes.
La route est tracée, c'est parti !
Le train va jusque Arlon et là il reste un petit 20km pour arriver à Musson en vélo. Ça fera un échauffement parfait pour le lendemain. Google maps me conseille de prendre un chemin plus rapide, dommage c'est un chemin MTB mais je me dit que ça ne doit pas durer longtemps et après 4km je crève. Ça commence mal quand on sait que je n'ai pris qu'une chambre à air en pensant que j'étais large pour une première partie de 100km avant d'arriver chez mes parents qui en ont d'autres. Je remplace et c'est reparti sans problème cette fois. Pasta party chez mes amis, documentaire animalier et au lit pour la grosse journée du lendemain.
Dur de dormir avec l'excitation !
Après 4 petites heures de sommeil c'est parti. Je démarre dans le noir à 5h30, il ne fait pas froid pour moi qui est frileux. Je pars en veste de mi-saison et avec un K-way léger pour être vu et avoir bon. Les premiers km ont une saveur particulière car il fait noir et il n'y a personne sur les routes à cette heure-là. Un beau levé de soleil se fait deviner. Ce qui est magique quand tu pars à cette heure-ci, c'est que pendant 2h le ciel passe par un nombre impressionnant de couleurs différentes qui ont toutes leur charme. Les 100 premiers km sont avalés assez vites et les sensations sont bonnes car le vent semble être plutôt favorable ce qui est loin d'être un détail pour le reste de la journée. 26,2km/h sur la première avec 100km et 1350m de dénivelé et 2 Ravitos mangées.
Premier Ravito
Le premier stop à Beauraing fait du bien, surtout que j'ai 7 minutes d'avance sur le programme. Maxime, un ami cycliste, est là aussi et ça fait du bien. 2 assiettes de pâtes avec courgettes, tomates et lentilles, un repas qui donne de l'énergie.
Je repars pour aller à Bruxelles. la côte de Feschaux avec le ventre rempli se fait finalement facilement. Petite pause photo à Dinant.
À peine reparti qu'on est déjà à Namur avec des petites douleurs dans les jambes pour la première fois de la journée mais une petite Ravito fait du bien au moral !
C'est maintenant parti pour la région que je redoute le plus : le brabant wallon et flamand et les routes jamais plates mais jamais en montées non plus. Étrangement, c'est à ce moment que j'aurai les meilleures sensations de tout le parcours, comme quoi. La seule partie un peu pénible fut ce tronçon de 2km de pavés au milieu de nulle part, j'ai du mal à croire que je ferais Paris Roubaix un jour.
J'arrive à Bruxelles avec 10 minutes de retard à cause d'une petite erreur de parcours. 27,2km/h sur les 115km qui vont de Beauraing à Bruxelles avec un dénivelé similaire. Super content déjà car j'avais planifié de faire du 25km/h. 2 autres Ravitos mangées sur cette partie !
Deuxième Ravito, après c'est la fin !
Pour le stop à Bruxelles, je mange de la semoule complète avec un peu de couscous, je n'ai pas faim du tout mais je me force car il reste 120km plus ou moins. La pause me plait bien et je pars un peu en retard, mais rien de très grave.
Pour m'accompagner sur la dernière partie : mon frère, mon papa et un ami. Ça permettra de discuter et ne plus se focaliser sur mes jambes qui vont probablement devenir lourdes car j'ai déjà fait 215km. On traverse Bruxelles et ça va car il est compliqué de rouler vite avec tous les feux rouges et les voitures. Les 30 km pour quitter la périphérie Bruxelloise seront les pires de la journée, j'ai mal au genoux, pas de jambes et il faut le dire, cette nationale est vraiment dégueulasse et n'arrange rien.
À Gand, j'ai besoin d'aller au toilettes et cela m'arrange pour faire une petite pause dans un bar. Au moment de repartir, il commence à pleuvoir de manière soutenue, mais pas le choix il faut avancer. Finalement cette pluie me fait plaisir car elle me rafraîchi et me permet de détendre mes muscles et soulage mon genoux douloureux. Il reste 50km et c'est du canal jusque Knokke. Dans moins de 2h on devrait y être et arriver avant le couché du soleil comme dans mes plans. C'était sans compter la rafale de crevaisons que mon père allait avoir. Première crevaison à 35 km du but. Il nous reste 2 chambres à air, on ne va pas dire qu'on rigole mais on se dit qu'il fallait bien une crevaison sur la journée sinon c'est pas marrant. On change la chambre. 5km plus tard Papa recrève, zut c'est la même roue. Bon une petite Ravito pour se redonner du moral !
L'agacement commence à se faire ressentir après 1h à rouler sous la pluie et une deuxième crevaison. Je lui dit de bien vérifier qu'il n'y a rien dans son pneu. On met la dernière chambre à air et c'est reparti.
Il reste 25km et le canal est en travaux, on doit suivre une déviation, on se perd et Papa recrève encore. Pendant 10km il s'arrête à chaque fois pour regonfler car c'est une crevaison lente, on commence tous à avoir froid à chaque arrêt car il pleut toujours et il fait maintenant noir. À 20km du but, il n'arrive plus à regonfler. Il a alors l'idée de mettre la chambre à air de mon frère qui roulait en Gravel (une chambre 35mm). Je ne voulais qu'une chose : arriver. Je ne pensais pas que ça allait marcher et j'appelle déjà ma mère pour dire qu'elle devra venir chercher papa qui est à court de chambre à air, moi je vais, quoi qu'il arrive, jusqu'au bout. On redémarre sans y croire et on décide de ne pas faire l'arrivée sur la digue mais de directement aller à l'hôtel dans la ville de Knokke. On continue, la chambre à air a l'air de tenir et nous pouvons enfin boucler ce périple avec 340km au lieu de 334. Une moyenne de 24km/h sur le dernière partie à cause de la partie peu roulante dans Bruxelles et des arrêts crevaisons. 3 Ravitos pour le final !
Je dois avouer que j'avais rêvé d'une arrivée au couché de soleil sur la plage depuis des mois. À la place, j'ai eu droit à une arrivée de nuit sous la pluie avec 5 crevaisons pour mon père et une petite partie sur l'autoroute par erreur en prime. J'ai du mal à savourer le fait d'avoir réussi le défi parce qu'en arrivant on pense juste à aller vite prendre une douche et se mettre au sec. On doit encore manger, car ma maman, mon papa et mon frère meurent de faim. Moi j'avoue que j'aurais franchement pu me passer de manger, mais je les accompagne tout de même pour les remercier. Le durum falafel dans le seul snack encore ouvert à 23h40 avait une saveur de victoire. Un restaurant chic si nous étions arrivés 2 heures plus tôt n'aurait pas eu meilleur goût pour moi !
Ce n'est que le lendemain que j'émerge et que je me rends compte que j'ai bouclé la traversé de la Belgique en un peu plus de 13h à du 25,6km/h au total. Papa, lui, se rend compte de l'épine qu'il n'a pas vu dans son pneu, grrrr... à sa décharge, il faisait noir ! Tu t'en doutes, on a pas pris la pose pour les photos à l'arrivée, il faut attendre le lendemain et le retour du soleil pour cela.
Enfin bon, une fois les 2 dernières heures calamiteuses digérées, je prends conscience que ce n'est qu'un détail et que ça fait tout de même une histoire plus drôle à raconter qu'une happy end à l'américaine et un couché de soleil.
Merci à papa et mon frère et Gaëtan d'avoir accompagné sur la fin. On oublie souvent mais on arriverait pas jusqu'au bout sans la personne qui a cuisiné les pâtes, fait l'intendance et attendu 5 heures toute seule les 3 paumés qui changent des chambres à air plus vite que leur ombre dans le noir. Donc merci maman d'avoir rendu ce défi possible !
C'était ma traversée de la Belgique et elle fut et restera unique !
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